Bénin: ce que pense Léonce Houngbadji de la visite de Emmanuel Macron

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Le président de la république française Emmanuel Macron entame une tournée en Afrique à partir du lundi 25 juillet 2022, où il sera dans trois pays du continent (Cameroun, Bénin et Guinée-Bissau). Dans un entretien, l’opposant béninois Léonce Houngbadji qui vit actuellement en France, dit ce qu’il pense de cette viste officielle de travail du chef de l’État français au Bénin.

Le président français, Emmanuel Macron, sera au Bénin du 27 au 28 juillet. Quels sont, selon vous, les enjeux de cette visite officielle ?

C’est sa première tournée officielle en Afrique depuis sa réélection. Il se rendra d’abord au Cameroun, ensuite au Bénin et enfin en Guinée-Bissau. De plus en plus, la France perd son influence sur le continent, au profit d’autres puissances telles que la Russie et la Chine. Paris dénonce régulièrement le « sentiment antifrançais » dans plusieurs pays africains. Officiellement, l’Elysée veut « garder le fil du renouvellement de la relation de la France avec ses partenaires africains ». S’agissant particulièrement du Bénin, la France pense qu’il est « de plus en plus connecté aux problématiques sahéliennes », au regard des attaques terroristes perpétrées dans le pays. Je pense qu’au-delà des discours officiels (la crise alimentaire, la lutte contre le terrorisme, la démocratie, l’Etat de droit, les droits humains, les biens culturels et la bonne gouvernance), pour renforcer les liens de coopération et d’amitié, c’est une tournée beaucoup plus géostratégique et géopolitique pour préserver les positions françaises.

Comment se porte le Bénin que va découvrir Emmanuel Macron ?

Il revient à chacun de se faire son opinion. La mienne est connue, et nous sommes des millions à la partager. Ces six dernières années, le Bénin a changé, il présente un visage amaigri et osseux. Il présente un visage inquiet et désespéré. Le Bénin déprime. Patrice Talon rend la société béninoise plus vulnérable, plus divisée, plus meurtrie, plus faible et fatalement plus dangereuse. Le Bénin se porte très mal : des dizaines de détenus politiques encore en prison, des centaines de Béninois en exil, des dizaines d’autres assassinés dans plusieurs localités du pays, la pauvreté s’est accrue, la faim menace plusieurs familles… Lors de sa visite, à Cotonou, Emmanuel Macron, par la vitre de sa voiture, va certainement humer la misère à plein nez qu’exhale le pays. 

Quelles attentes particulières auriez-vous par rapport à la rencontre entre les deux chefs d’Etat?

Honnêtement, je n’attends rien de cette visite. Rien ne changera dans la gouvernance autoritaire de Patrice Talon après le départ d’Emmanuel Macron. Bien au contraire, il va utiliser cette visite comme une prime à sa politique despotique. Je sais que les deux chefs d’Etat parleront de la question de l’Etat droit et des droits humains, notamment des opposants en prison et en exil. Mais pas devant les caméras, ils le feront lors des entretiens directs. L’Elysée ne veut pas donner des « injonctions médiatiques ». Patrice Talon fera encore des promesses mielleuses de changer de cap, comme il a promis récemment à l’ancien président Nicéphore Soglo de libérer les prisonniers politiques. Savez-vous ce qu’il a fait 72 h après ? Il est allé ramasser les biens personnels de l’opposant Sébastien Ajavon pour les vendre aux enchères. Ce n’est donc pas un homme de parole. Et Emmanuel Macron le sait très bien. Je sais ce qu’il pense profondément de lui. J’espère qu’il ne se laissera pas rouler dans la farine à Cotonou.

En quoi le voyage du président Macron au Bénin peut-il changer la vie quotidienne des Béninois et l’avenir du Bénin ?

Emmanuel Macron a été élu pour défendre les intérêts de la France et améliorer les conditions de vie et de travail des Français. A nous Béninois de trouver les ressources intérieures nécessaires pour tracer un nouveau chemin démocratique à notre pays. C’est l’unique chemin du salut. Le peuple béninois a le choix entre la résignation qui sans doute mènera au péril de toute la Nation ou le refus de la dictature qui mène à la terre promise par les pères de la démocratie béninoise. Autrement, nous sortirons de ce 2ème quinquennat volé comme on sort d’une relation amoureuse abusive : déçus, fortement marqués, et insensibles.

Vous êtes un acteur de la société civile africaine en France, observateur de l’actualité internationale et écrivain.  Comment le panafricaniste que vous êtes analyse la nouvelle donne internationale qui est en train de se dessiner avec le conflit russo-ukrainien ? L’Afrique peut-elle en profiter  pour mieux faire entendre sa voix à l’échelle planétaire?

L’Afrique est la première victime de ce conflit géopolitique et géostratégique, notamment sur le plan alimentaire (les céréales et les engrais, par exemple). Le monde n’est plus celui qu’il était avant le 24 février 2022. Tout change. Dès lors, l’Afrique doit se réorganiser rapidement pour faire entendre sa voix sur la scène internationale. Elle a des intérêts qu’elle doit défendre, d’égal à égal. Il est temps d’investir massivement dans le secteur agricole afin d’assurer l’autosuffisance alimentaire. C’est inconcevable qu’elle ne puisse pas vivre sans les céréales de la Russie et de l’Ukraine, alors qu’elle dispose de terres agricoles très riches, non exploitées. Il faut agir, maintenant !

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